Agredecer

Agredecer signifie remercier en espagnol.

Le 9 avril 2000, les commandos marine chiliens sont montés à bord du Palisser Bay, le cargo anglais qui m’avait récupéré une semaine plus tôt au milieu du Pacifique Sud que je tentais de traverser à la rame. Une infection qui dégénéra en gangrène me contraint à l’abandon.
Les commandos m’amenèrent jusqu’à une île où m’attendait un hélicoptère. Direction l’hôpital de Punta Arenas au coeur du détroit de Magellan.
Première option : me couper les pieds.
Seconde option : essayer de ne pas les couper.
Il doit y avoir un dieu pour les mécréants, l’hôpital venait de recevoir un caisson de décompression. Jamais utilisé. Les médecins décidèrent de me faire faire du caisson. Plongée virtuelle à – 18 mètres. Objectif : forcer le sang à circuler et à irriguer tout ce qui pouvait l’être au niveau des pieds.
Après quelques heures passées dans ce tube, ils décidèrent de m’opérer.
8 orteils et les chairs nécrosées à l’incinérateur.
Les 2 autres orteils finiront dans l’incinérateur de l’hôpital de la Cavale blanche à Brest, mais mes pieds ont été sauvés. Grâce à l’investissement de l’équipe médicale. Ils étaient pas obligés de se prendre la tête pour essayer de sauver les pieds d’un mec de passage.
C’est grâce à eux que je marche aujourd’hui, que j’ai pu refaire une traversée de l’Atlantique à la rame en 2006, 2 à la voile en 2016 et 2017, aller de Plouarzel à Belgrade à vélo en 2023, de Plouarzel à Saint-Jacques de Compostelle à vélo en 2024.
Chaque fois que j’ai commencé un périple il y a toujours eu Punta Arenas en fond d’écran.
Depuis que je suis rentré en France fin avril 2000, j’ai toujours eu l’intention de retourner un jour à Punta Arenas dire merci.
Ce n’est pas la porte à côté.
Aujourd’hui , 25 ans plus tard, à 78 ans bien entamés, il n’est plus temps de remettre ce projet à plus tard, mais plutôt de profiter de ma capacité à bouger pour dire à ces gens de vive voix que je sais ce que je leur dois, que je l’ai toujours su.
25 ans plus tard, je ne sais pas qui sera encore là.
Peu importe qui sera là ou pas, j’ai envie de dire merci à la communauté de Punta Arenas.
L’hôpital sera là, des représentants des militaires qui m’ont récupéré à bord du Palisser Bay seront là, des représentants des Frères de la Côte qui m’ont honoré de leur visite à l’hôpital seront là. Y aura-t-il encore ces femmes qui ont organisé des chaînes de prière pour que je m’en sorte ? Je ne sais pas, Nous verrons bien. Je dis nous, car Pascal qui a réalisé le documentaire sur ma traversée m’accompagne dans ce voyage. Il était avec les commandos chiliens à bord du Palisser Bay quand ils sont venus me récupérer. Il était aussi à mon départ en Nouvelle-Zélande. Manon, une de mes filles, photographe de son état, sera aussi du voyage. Elle avait à peine 8 ans quand j’ai entrepris cette traversée.
Je ne veux pas arriver brutalement en avion à Punta Arenas. Passer en 24h de la Bretagne à la Patagonie. Nous partons dimanche, le 7 décembre, pour Santiago, la capitale du Chili, puis nous descendrons tranquillement en bus et en ferry les 3 000 kms qui séparent la capitale de Punta Arenas.
Se passera ce qui se passera…
Dao dezi.